L’allaitement dans la prévention du cancer du sein

Le saviez-vous ? Le cancer du sein est le cancer féminin le plus courant qui touche 1 femme sur 8.

Certains facteurs connus sont déjà identifiés comme pouvant augmenter les risques de voir apparaître un cancer du sein. D’autres, en revanche, sont capables d’avoir un effet protecteur sur la survenue possible d’un cancer du sein: c’est le cas de l’allaitement.

L’allaitement : un facteur capable de diminuer le risque de survenue du cancer du sein

Une équipe de scientifiques conduite par la Professeure Valérie Beral, au Centre de recherche sur le cancer à Oxford, a mis en évidence en 2016 le rôle protecteur de l’allaitement prolongé face au cancer du sein. Leurs travaux ont consisté à réaliser une méta-analyse, c’est-à-dire, un recueil d’un très grand nombre de données disponibles sur ce sujet, afin de les réanalyser d’un point de vue plus global. Pour cela, ils ont regroupé les publications de nombreuses études pour inclure un grand nombre de patientes.

Les scientifiques ont ainsi étudié les informations provenant de 47 études menées à travers 30 pays, et concernant environ 150 000 femmes. Parmi elles, près d’un tiers ont été atteintes par un cancer du sein. Les autres n’ont pas été touchées par la maladie.

Sur la base de ces informations, les chercheurs ont mis en évidence un risque accru de cancer du sein chez les femmes nullipares (absence de grossesse) : les patientes touchées par un cancer du sein avaient eu en moyenne moins d’enfants que les femmes non touchées par la pathologie.

Par ailleurs, les femmes ayant été porteuses d’une tumeur mammaire avaient moins allaité et moins longtemps que les femmes indemnes de cancer. Le risque de voir apparaître un cancer du sein étaient réduites de 4,3 % pour un an d’allaitement supplémentaire. Le risque était déjà réduit de 7 % à chaque nouvelle naissance.

De plus, près de 20 000 décès par cancer du sein par an sont évités à travers le monde grâce au rôle protecteur de l’allaitement maternel. Ce chiffre augmente lorsque la durée d’allaitement s’allonge à 12 ou 24 mois.

Ces constatations sont confirmées par une autre méta-analyse d’après 65 études datant de 2017, publiée dans le Journal of Human Lactation. Elle montrait le rôle protecteur accru (face au cancer du sein) d’un allaitement maternel exclusif face à un allaitement partiel. Les femmes qui ont allaité exclusivement leur enfant avaient un risque réduit de 28 % par rapport aux enfants nourris avec du lait artificiel. Le risque chez les femmes préménopausées était diminué de 12 % avec un allaitement maternel total ou partiel et de 14 % chez les femmes postménopausées. Ici aussi, la durée de l’allaitement diminuerait encore les risques de cancer.

Dès 2018, le World Cancer Research Fund International et l’American Institute for Cancer Research ont mis à jour leur compte-rendu des recommandations sur la nutrition et la prévention du cancer selon les données disponibles dans la littérature scientifique. Dans la partie concernant le cancer du sein, les scientifiques avancent un fort niveau de preuve de l’effet protecteur de l’allaitement maternel face au cancer du sein, avec une augmentation de la protection lorsque l’allaitement est poursuivi de manière prolongée.

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prévention cancer du sein

Comment expliquer l’effet protecteur de l’allaitement contre le cancer du sein ?

Divers processus biologiques pourraient expliquer le rôle protecteur de l’allaitement maternel :

  • La susceptibilité des tissus cutanés aux effets carcinogènes serait diminuée par la différenciation des cellules mammaires impliquées dans la production du lait maternel.
  • L’allaitement maternel peut entraîner une aménorrhée et une période d’infertilité capable de réduire l’exposition aux hormones et les risques de cancer du sein.
  • Le risque de cancer du sein pourrait aussi être diminué par différents mécanismes induits par l’allaitement maternel conduisant à l’élimination des cellules porteuses d’un ADN lésé (comme l’excrétion des carcinogènes par le lait maternel, l’exfoliation des tissus du sein pendant la lactation, et le mécanisme d’apoptose massive à la fin de l’allaitement).
  • Enfin, allaiter son enfant demande à la maman de l’énergie pour produire le lait. Les graisses en réserve sont mobilisées, tout comme le glucose. Les taux d’insuline se réduisent. Or, on sait qu’un taux élevé chronique d’insuline est capable d’augmenter les concentrations de l’Insulin Growth Factor-1, que l’on associe aux processus de prolifération et d’anti-apoptose dans le tissu mammaire.
  • Une autre hypothèse serait qu’un autre mécanisme impliquant une cytokine au sein du lait maternel serait capable d’induire l’apoptose des cellules tumorales sans impacter les cellules saines. On parle du mécanisme TRAIL.

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allaitement cancer du sein

Bien sûr, tous ces éléments sont des données statistiques et ne peuvent être généralisées à toute la population. Certaines femmes ayant plusieurs enfants et ayant allaité durant plusieurs années peuvent tout de même être touchées par un cancer du sein dans le futur. L’inverse est aussi vrai, et une femme n’ayant jamais eu d’enfant n’est pas fatalement condamnée à avoir un cancer du sein. Il s’agit d’éléments montrant qu’en moyenne, une femme multipare et avec allaitement prolongé comporte moins de risques de développer un cancer du sein qu’une femme nullipare et donc sans allaitement.

On peut donc parler d’un rôle protecteur de la grossesse et de l’allaitement.

Ces informations peuvent entrer dans les recommandations générales de prévention du cancer du sein. Mais le choix d’allaiter son enfant est une décision très personnelle, qui vous est propre, et qui doit être prise en conséquence, au regard de toutes les données disponibles possibles.


Article rédigé par le Dr Didier Bourgeois, chirurgien cancérologue et gynécologue, Président de l’Institut du Sein Henri Hartmann du Groupe Hospitalier Privé Ambroise Paré-Hartmann.

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