Enfant sécurisé, enfant heureux : Éduquer au quotidien grâce au lien d’attachement

Anne Raynaud, médecin psychiatre, spécialiste de la périnatalité et de la petite enfance, a sorti le 7 avril son livre « Enfants sécurisés, enfants heureux : Éduquer au quotidien grâce au lien d’attachement », aux éditions Marabout. Futurs et jeunes parents, si vous avez choisi l’éducation bienveillante pour votre enfant, il se peut que certaines étapes de celle-ci ne se déroulent pas comme l’aviez prévu. Anne Raynaud vous invite donc à vous concentrer sur le plus important dans la relation qui vous unira toute votre vie avec votre tout-petit : le lien d’attachement. Découvrez-en un extrait !

Depuis sa naissance, Tom dort avec Vanessa et Eric. Il s’agit d’un choix pour eux. Être proches de Tom, pour entendre tous ces petits bruits de bouche et ses mouvements, répond pour eux à ce souhait de la proximité dont ils ont compris l’importance dans le vécu émotionnel de Tom. Il se colle à Vanessa ou à Eric et dort toute la nuit « scotché » à ses parents. Tom a l’air très satisfait et dort très bien, mais Vanessa et Eric commencent à ressentir que leur qualité de sommeil n’est plus la même. Ils sont en hypervigilance permanente : ne pas étouffer Tom en se retournant, faire attention qu’il ne tombe pas du lit ou que Pistache, le vieux chat de la maison ne s’installe pas dans le lit devenu « dortoir familial ». A quel âge, peut-il dormir dans son univers à lui, sans se sentir perdu ou abandonné ?

Tous ces doutes qui assaillent sans cesse Vanessa et Eric sont le reflet d’un souhait profond et sincère de faire « le mieux possible » pour Tom. Mais chaque question en implique une autre et les doutes viennent nourrir les doutes. 

Et puis, il n’est pas toujours facile pour Vanessa et Eric de se confier sur ce qu’ils perçoivent l’un et l’autre. Vanessa a le sentiment qu’Éric banalise ses peurs et Eric estime que Vanessa dramatise beaucoup les choses. Mais leur complicité construite depuis des années, les aide à dépasser ces divergences, car leurs préoccupations communes autour de la santé et du bien-être de Tom les réunit. Ils s’étaient installés dans leur bulle, mais les semaines passant, celle-ci leur semblait moins ajustée. 

Bien sûr, ils avaient entendu les critiques habituelles : « vous allez en faire un capricieux » … « il sera toujours dépendant de vous… ». Ils avaient lu tant de choses contradictoires sur le sujet. 

Cette bataille d’experts a été très perturbante pour eux. Ils se demandaient si Tom les aiderait dans cette étape. Ils espéraient au fond, que ce soit lui, qui leur donne le signal, que c’était le bon moment, qu’ils n’auraient pas à lui imposer cette transition.  Mais ce moment n’arrivait pas. Tom semblait bien installé dans cette habitude et les discours de ses parents n’y changeait rien. Ils avaient alors tenté de chercher des solutions. Leur tourment était si intense, qu’ils se sentaient prêts à beaucoup de choses, pour réussir cette étape. La fatigue commençait aussi à prendre le dessus, car les réveils récurrents de Tom, morcelaient leurs nuits et cela impactait de plus en plus massivement leur quotidien. 

Quels éléments de réponse peut-on partager avec Vanessa et Eric ?

  • Oui, l’enfant, dans les premières semaines et même les premiers mois, vit une découverte intense d’un nouveau monde. Cette nouvelle vie aérienne, très stimulante sensoriellement est source d’un sentiment de menace plus intense que nous l’imaginons. Pour garder une stabilité émotionnelle interne, que l’on appelle l’homéostasie, il a besoin de la proximité physique de sa/ses figure.s d’attachement. Dans les premiers mois, seul ce contact physique est en capacité de lui apporter ce réconfort. Cette accessibilité qu’offrent Vanessa et Eric, à Tom, va au contraire des croyances bien ancrées d’enfant capricieux ou dépendant, lui offrir la sécurité dont il a besoin pour se forger une autonomie et une stabilité émotionnelle, véritable trésor pour sa trajectoire de vie. Non, Tom ne sera pas capricieux parce que ses parents ont choisi sur ces premières semaines de lui offrir cette proximité physique. Cet aménagement doit cependant s’inscrire dans un processus de réflexion constante et d’adaptation en fonction de l’âge de l’enfant. La réponse ne sera effectivement pas la même pour un enfant de 3 ans par exemple. 
  • Se faire confiance : c’est si difficile pour Vanessa et Eric. Ils découvrent le rôle de parent, et ont le sentiment récurent d’être jugés. Alors comprendre que les connaissances actualisées expliquent que le très jeune enfant a besoin de cette proximité les soutiennent dans leur démarche. Ils ont apprécié ses moments de complicité au sein de leur petite famille en construction. Le doute et le jugement viennent souvent déstabiliser cet équilibre nouveau que tous les couples découvrent lors de l’arrivée de l’enfant. Explorer ces nouvelles taches ensemble et cheminer loin des enjeux de la performance s’appuie sur la solidité du couple conjugal qui va aussi devenir une « équipe parentale ». 
  • Oui, comme ils le perçoivent, les mois passant, cette situation n’est plus ajustée. Leur couple a besoin de retrouver son intimité et la place de Tom ne leur semble plus dans leur lit. Mais pendant plusieurs semaines, estimant que cela serait trop brutal pour Tom, ils ont décidé attendre. Ce que nous explique la théorie de l’attachement, c’est que ce besoin de sécurité, qui passe par le contact physique dans les premiers mois, va, en suivant le développement psychomoteur de l’enfant se transformer. Ainsi, dès que l’enfant est en capacité de se déplacer de manière autonome, avec par exemple le 4 pattes, il a acquis le moyen de retrouver lui-même la proximité du porte avion et peut réguler ses émotions, sans obligatoirement passer par le contact physique. Mais Tom a besoin de ses parents, pour prendre conscience de ses nouvelles compétences. Seul, il restera sur un mode de fonctionnement « à l’économie ».  La fonction parentale induit donc d’aider Tom à découvrir cette étape de transformation. Loin de le forcer ou de lui faire du mal, il s’agit de révéler en lui un palier encore inexploré pour lui. Soucieux d’une progressivité dans ce processus et afin d’offrir à Tom, la proximité et la disponibilité dont il a besoin, cette étape ne sera pas un traumatisme, mais au contraire un cadeau : ils aident Tom à découvrir ses potentiels. 

Les premiers pas de la parentalité, débutés timidement dans la période anténatale, prennent une autre dimension avec les premiers moments partagés. L’occasion de découvrir la réalité, version « mise en application » de ce qui a pu être rêvé. Il est tout à fait normal, qu’il existe des décalages entre les aspirations projetées et l’expérience vécue. Toutes les préparations possibles ne peuvent envisager la profondeur du vécu, ni la singularité de l’enfant. Se laisser traverser par cette nouvelle expérience, la partager, écouter les conseils, se faire confiance, mais aussi savoir parfois demander de l’aide… 

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