C’est l’hiver, sortons avec nos enfants !

Tous les ans, c’est la même histoire. Quand les jours gris arrivent, la tentation est grande de pantoufler à la maison. De sortir les jeux de société, de bouquiner, de dessiner. Bref de rester en famille chez soi, tout le week-end s’il le faut. Jusqu’à ce qu’il fasse meilleur, faille-t-il attendre jusqu’au printemps.

Rester confortablement blotti dans nos pénates est plus confortable, cela va sans dire. Mais est-ce pour autant souhaitable, notamment pour nos enfants ? C’est toute la question.

En semaine, les enfants passent leur vie à l’intérieur

Chaque semaine, ils passent le plus clair de leur temps à l’école, bien au chaud dans leurs classes. Quand ils s’en échappent, c’est pour se dégourdir les jambes par intermittence dans la cour de récréation, avant de retourner chez eux. De fait, nos enfants passent leur vie en intérieur et sont bien plus sédentaires que nous.

Un groupe de mères américaines a comparé le jeu de leurs enfants avec le leur au même âge. Parmi elles, 70 % ont assuré qu’elles s’amusaient à l’extérieur tous les jours. Leurs petits sortent deux fois moins fréquemment [1]. Ce phénomène s’observe aussi bien en ville qu’à la campagne.

En France, 4 enfants sur 10 ne jouaient jamais dehors en semaine

En France, selon une enquête de 2015, quatre enfants sur dix ne jouaient jamais dehors pendant la semaine[2]. Ces chiffres sont problématiques, car les problèmes liés à cette sédentarité sont multiples : retard dans le développement de la motricité, perte d’équilibre, problèmes de myopie, troubles de l’attention ou encore stress chronique.
Un grand nombre d’études concourent pour pointer un problème sanitaire de grande ampleur, qui affecte l’ensemble des pays développés.
En France, dans les classes à l’intérieur, les enseignants sont face à des enfants qui ne tiennent plus en place. Les troubles du langage et troubles du psychisme explosent depuis 2010 chez les enfants scolarisés entre 2 et 11 ans (données de 2018 de la direction générale de l’Enseignement scolaire).

Sortir son enfant : quels sont les avantages ?

Que faire dans ces cas là avec nos chers bambins ? Les faire sortir serait-elle la solution ?

Une centaines d’études, essentiellement à l’étranger, démontrent les bénéfices de la nature sur le développement de l’enfant : libre de se mouvoir et de se dépenser, il développe sa motricité plus largement et ses sens plus finement. L’air pur qu’il respire contribue à le rendre en meilleure santé. Son stress diminue, et ses relations sont plus apaisées. [3]

Dehors, ces études montrent que l’attention augmente, de même que la mémoire. Sa créativité est fortement stimulée, l’environnement naturel étant bien plus riche et ouvert que celui d’une salle de crèche.
Les enfants par ailleurs gagnent plus rapidement en autonomie, en faisant preuve d’initiative et en prenant parfois des risques. De plus, ils renforcent leur capacité de résilience, et apprennent aussi à coopérer ensemble. Bref, tout montre que la nature n’est pas seulement bonne pour la santé, mais qu’elle contribue à l’épanouissement global de l’enfant, d’un point de vue physique, psychologique, émotionnel et intellectuel.

Des écoles dans des forêts pour apprendre dehors

On comprend dans ces conditions, pourquoi les écoles dans les forêts se multiplient en Europe et dans le monde. Aux Etats-Unis, au Japon, en Turquie, en Espagne, en République tchèque, en Italie, au Canada ou encore dans tous les pays Scandinaves, ces écoles proposent aux enfants d’apprendre dehors, au moins un jour par semaine et parfois toute la semaine durant.

On en dénombre déjà plus de 3000 en Europe, une partie relevant du secteur public. Au Royaume-Uni, apprendre dehors est encouragé dans toutes les écoles publiques, et ce quelque soit le temps. Au Danemark, où les écoles dans la forêt représentent 20% des écoles maternelles, il n’est pas rare que le thermomètre passe en dessous de zéro. Mais les enfants sortent et appliquent à la lettre la même devise : « Il n’y a pas de mauvais temps, que des mauvais vêtements ».

La France s’initie à la pédagogie par la nature

En France, une première école en forêt a ouvert l’an dernier à côté d’Angoulême. Suivie de deux autres structures à Cluny et Annecy en septembre. D’autres écoles alternatives donnent aussi une place importante à la pédagogie par la nature. Par exemple Caminando dans la Drôme.

En ville, quand les espaces naturels manquent autour des écoles, les cours sont végétalisées, comme à l’école de Jacqueline de Strasbourg qui a entièrement « ensauvagé » une cours au beau milieu d’un quartier d’habitat social.

Dans des écoles publiques aussi, des enseignants en nombre croissant ouvrent leur classe au dehors. A Pompaire, dans les Deux-Sèvres, une professeur de maternelle a commencé à faire classe dehors en 2010, une matinée par semaine dans un terrain communal. Devenue depuis conseillère pédagogique, Crystèle Ferjou forme depuis 2016 d’autres enseignants qui veulent se lancer.

Les parents s’intéressent à d’autres approches pédagogiques

Dans le contexte de cette révolution verte, les parents sont aussi désireux d’explorer d’autres approches pédagogiques et de faire découvrir aux enfants des nouvelles activités.
Pour monter en compétence, il peut d’abord être utile d’accompagner les classes lors des sorties encadrées par des associations.
Cela donne des idées pour démarrer : cuisine à boue les jours de pluie (seuls une casserole et quelques couverts sont nécessaires), constitution d’herbier, impressions végétales au moyen de quelques carrés de tissu de d’un maillet, visages d’argiles à créés sur un arbre au moyen de fleurs, de graines, de mousse, et d’herbe, observation patiente du paysage, création de cabanes de lutins, et bien sûr jeu libre.
Pas d’activité dehors sans jeu libre, pas de nature sans liberté d’explorer, de découvrir, de risquer. Le jeu libre reste dehors l’un des principaux vecteurs d’apprentissage, il faut donc lui accorder une place de choix.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez aller plus loin pour accompagner vos enfants dehors, je vous invite à consulter le site d’éveil et nature ou à lire « L’école à ciel ouvert », où vous trouverez une quantité de conseils pratiques pour rythmer vos sorties. Enfin si vous voulez comprendre en détail pourquoi le monde entier a décidé de faire sortir les enfants, qui en France s’inscrit dans cette dynamique et comment, je vous invite à lire « L’enfant dans la nature », que nous avons co-écrit avec Moina Fauchier Delavigne et qui se consacre à ce sujet.

Je vous souhaite d’excellentes lectures et de belles sorties. Matthieu Chéreau

Découvrez la vidéo “Dis moi…” : Pourquoi sortir explorer la nature avec l’enfant ?

Article rédigé dans le cadre du partenariat entre Matthieu Chéreau et Ensemble pour l’Education de la Petite Enfance 

Ensemble pour l’éducation de la petite enfance


[1]. « An Investigation of the Status of Outdoor Play », Contemporary Issues in Early Childhood, n° 5, 2004, p. 6880. Rhonda Clements du Manhattanville College de New York

[2] « La pratique de jeux en plein air chez les enfants de 3 à 10 ans dans l’Étude nationale nutrition santé », rapport publié en 2015 par l’Institut de veille sanitaire – devenu Santé publique France en mai 2016.

[3] White & Stoecklin, 1998, cité dans Paul Tranter & Karen Malone, « Geographies of Environmental Learning: An Exploration of Children’s Use of School Grounds », Children’s Geographies, février 2004.

 

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